Une Ecole de peinture à Murol(s)
Le Musée des Peintres de l’Ecole de Murol(s), ouvert en 2000, rassemble une riche collection d’œuvres qui présentent le travail de la centaine de peintres ayant arpenté le territoire durant la première moitié du XXe siècle.
Le terme d’ « École » désigne le regroupement d’artistes. Celui-ci s’est formé spontanément grâce à la rencontre de trois peintres : Wladimir de Terlikowski, Victor Charreton et Léon Boudal.
Les deux premiers se rencontrent à Besse durant l’hiver 1911. Ils sympathisent et se donnent rendez-vous l’hiver suivant à Murol où ils rencontrent alors l’abbé Boudal, curé du village et peintre également.
Ils vont alors attirer dans la petite cité auvergnate de nombreux artistes, de la région mais aussi de tout le pays et même de l’étranger, afin de peindre ensemble cette nature riche et sauvage, et surtout cette neige abondante.
Ces peintres s’inscrivent dans le postimpressionnisme.
J. Mario Pérouse, L’Ecole de Murols en marche (1918)
Murol, avec ou sans “s” ?
Attesté sans « s » en 1373, le nom de « Murol » désigne en occitan « une enceinte », « une fortification ».
Suite aux nombreuses erreurs de prononciation des touristes qui ajoutaient oralement un « s », celui-ci se fait officiel vers 1830 et la commune devient donc « Murols ».
Mais la confusion se fait avec la village aveyronnais du même nom, lui aussi portant le « s ». Il sera donc supprimé en 1953 par le Conseil d’État.
Les peintres de l’École ont donc connu l’écriture avec un « s », d’où sa transcription entre parenthèses quand il s’agit du musée.
L’appellation d’Ecole
ne désigne pas une école en tant que telle, avec des professeurs et des élèves, c’est bien l’idée de regroupement d’artistes qu’il y a derrière ce terme.
De nombreuses écoles de peinture sur le thème du paysage se sont développées entre le XIXe et le XXe siècle, elles ont souvent pris le nom du lieu auxquelles elles étaient rattachées à l’image de Barbizon, Pont-Aven ou encore Crozant.
Les sujets hivernaux traités avec une technique principalement impressionniste furent la spécialité du groupe.
Les peintres travaillaient généralement ensemble, sur le motif (en plein air), ce qui est également typique du mouvement impressionniste.

Wladimir de Terlikowski, Une rue de Murol, effet de neige
Pourquoi Murol ?
Il faut souligner tout d’abord le charisme que possédait l’abbé Boudal, qui réussit à convaincre Charreton et Terlikowski de venir passer leurs séjours hivernaux sur le bourg de Murol.
Le village et ses alentours regroupent des paysages très variés : torrents, bois, chaumières, lacs, etc.
Murol connaît également un enneigement fréquent mais non constant tout au long de l’hiver. Cela permettait aux peintres de trouver des sujets variables d’un jour à l’autre, ce qui n’aurait pas été le cas en plus haute montagne.
Selon les souvenirs de certains, lors d’une cure au Mont-Dore, le Sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts, M. Dujardin-Beaumetz, rencontre Victor Charreton et Léon Boudal. De là, naît le projet de créer à Murols une école de paysagistes français, annexe de l’école des Beaux-Arts de Paris. Des démarches sont menées, jusqu’à un stade avancé, mais malheureusement les fluctuations de la politique empêchent le Sous-secrétaire de finaliser le projet.
Avec la mort de Boudal en 1934 et celle de Charreton en 1936, le mouvement s’est doucement essoufflé pour s’éteindre dans les années 1950.

André Bardet, Première neige d’automne
Le postimpressionisme
Le postimpressionnisme correspond à une courte période qui prend sa source en 1886 : cette année-là a lieu une huitième et dernière exposition impressionniste, mais les grands maîtres du genre tels que Monet, Renoir et Sisley n’y figurent pas. Leur absence secoue le monde de l’art et ses critiques, dont Felix Fénéon, qui écrit dans la revue Vogue « avec cette exposition, l’impressionnisme est définitivement mort. ».
La place est faite alors à de jeunes artistes affiliés au Salon des Indépendants : Signac, Pissaro, Seurat, Degas, Cassatt, Gauguin et Guillaumin. Ces peintres ont en commun le refus du naturalisme, devenu le style officiel de la fin de siècle.
Au delà d’un courant artistique, le postimpressionnisme est avant tout un état d’esprit répandu en Europe dans les deux dernières décennies du XIXe siècle. Tous les pays européens sont plus ou moins traversés durant cette période par des soubresauts esthétiques, des recherches formelles, des prises de risque.
Alors que les impressionnistes trouvent leur inspiration avec ce qu’ils trouvent devant eux, les postimpressionnistes tournent leur regard vers eux-mêmes et explorent leur moi profond, leur propre réalité.
Ce renouveau artistique fait également émerger des mouvements comme le pointillisme, les nabis, l’art nouveau, avant que les avant-gardistes ne prennent bientôt place dans le paysage culturel du début du XXe siècle.

Victor Charreton, Effet automnal
Chronologie
1890 :
Natif de la région, Léon Boudal reçoit la charge de la paroisse de Murol.
1893 :
Victor Charreton s’installe en Auvergne avec sa femme qui en est originaire, c’est alors qu’il découvre ces massifs, cette nature riche et sauvage, et surtout, ces neiges.
1909 :
Grâce au mécénat de René de Chaudesaigues de Tarrieux, noble auvergnat occupant de hautes fonctions dans l’administration du réseau ferroviaire français, Terlikowski se rend à Besse durant l’hiver pour peindre des neiges.
1911 :
Durant l’hiver, Charreton se rend à Besse pour effectuer des toiles de neige. Il y rencontre Terlikowski qui y séjourne également. Ils sympathisent et se donnent rendez-vous l’hiver suivant à Murol.
1912 :
Comme convenu, Terlikowski et Charreton se retrouvent à Murol à l’hiver et font la rencontre de l’abbé Boudal. Ils vont ensuite attirer auprès d’eux de nombreux peintres, de la région mais aussi de tout le pays et même de l’étranger, qui séjourneront régulièrement à Murol pour peindre les paysages du Sancy.
1912 – 1930 : Apogée de l’Ecole.
Une centaine de peintres sont de passage à Murol durant ces deux décennies.
Ils séjournent dans les hôtels du bourg, en particulier l’Hôtel de la Poste.
Ils partent en groupe avec leur matériel portatif peindre sur le motif. Ils échangent des conseils techniques, s’inspirent les uns les autres sur les divers sujets.
Parmi leurs motifs favoris, le château de Murol bien sûr, ainsi que la neige et le massif du Sancy. Les chaumières sont aussi des silhouettes de choix, tout comme l’église et les ruelles du bourg.
1934 :
Mort de l’abbé Boudal
1936 :
Mort de Victor Charreton
1940 – 1950 :
Avec la mort de deux figures emblématiques du groupe, le mouvement s’essouffle mais perdure grâce à des figures comme Robert Luton, Ernest Chanonat et Alphonse Simon, jusqu’à une fin estimée aux alentours de 1950.
Juillet 2000 :
Des travaux de recherches ont permis de remettre au jour l’histoire des peintres de l’Ecole de Murol, ainsi la commune de Murol inaugure en 2000 le “Musée des Peintres de l’Ecole de Murol(s)”.